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07 septembre 2023 | écrit par Clara Duchosal
Originaire du Sud de la France et Lyonnaise depuis 10 ans maintenant, Kïerra aime jouer avec les frontières des genres pour créer une ambiance musicale riche et diversifiée. Sa voix et la fréquence de son chant ont toujours évoqué le R&B pour tous. Pourtant, elle ne se contente pas de cette étiquette, explorant des sonorités Rap et même Rock. Elle nous dévoilait en novembre 2021 son premier EP intitulé "Solide". Suivi d'une réédition en juin 2021 avec des titres comme "Tu mérites tant", morceau qui s'avère être le reflet précis de ses émotions et du message qu'elle souhaite transmettre, de manière limpide et sincère. Ses nombreuses influences, mêlant R&B, Jazz/Soul et Rap, façonnent son amour pour la musique, dès son plus jeune âge elle se prend d'affection pour de grandes artistes telle que Lauryn Hill, Jazmine Sullivan et Pauline Croze. Aujourd'hui, Kïerra est activement présente sur le devant de la scène Lyonnaise. Un événement novateur dont elle pris part a fait ses débuts en septembre dernier : le tout premier "BIG UP". Son objectif ? Créer une effervescence autour des talents artistiques féminins de la ville.
As-tu reçu une éducation musicale ?
C'est surtout parti de ma grande sœur qui maintenant a 35 ans. Qui quand j'étais jeune faisait du son. En fait, ma famille vient de Paris de base, de Vitry, ensuite on est descendu dans le Sud. Ma sœur est restée à Paris, dans cette sphère musicale, artistique, qui à Paris et encore plus à l'époque, tout le monde se connaissait et faisait du son ensemble, à l'époque de Diam’s, Amel Bent...
Diam's est d'ailleurs le premier concert que j'ai vu.
Ma sœur était choriste. C'était vraiment fou, l'époque de Léa Castel, toute l'équipe un peu à R&B de l'époque. Elles se connaissaient toutes et ma sœur était dedans. Elle avait vraiment ce truc de faire de la musique : grande voix. J'ai beaucoup appris de son parcours à elle. Quand j'étais jeune tu sais, c'est ta sœur, elle fait du son et même si tout le monde entier ne la connaît pas, pour toi c'est une énorme star. J'étais vraiment dans ce truc de "Wow c'est une star" et petit à petit j'ai capté que j'aimais bien chanter grâce à elle. Elle m'emmenait des fois en concert avec elle quand elle était chœur dans le Sud par exemple. C'était plutôt sage, je l'idolâtrais beaucoup et je voulais faire ça de ma vie.
Ma mère a aussi une bonne oreille musicale. Elle a le goût d'écouter vraiment plein de musiques différentes, j'ai vraiment découvert beaucoup d'artistes différentes grâce à elle, même si à la base, elle est très jazz/soul. C'est ce qui fait que moi après, je suis partie dans le R&B et le moderne jazz/soul. Quand j'avais 10 ans, elle avait l'album de Fifty 50, qu'elle m'a fait écouter parce qu'elle aimait bien les sonorités. Il y a plein de trucs qu’elle écoutait, j'ai complètement baigné dedans.
A la base, je voulais faire danseuse étoile parce que je pensais que tu dansais dans les étoiles. Après, j'ai capté que je chantais du coup je me suis dit chanteuse d'étoile, comme ça je chante, mais quand même dans les étoiles. J'ai toujours voulu faire quelque chose comme ça. Après t'as aussi la hype de quand tu es jeune et que t'aimes bien chanter tu te fais vite avoir par le truc où tu vois Beyonce sur scène, tu t'imagines être une Rockstar. Après, au fur et à mesure du temps et de ma vie, il y a des choses qui ce sont faites. J'ai réalisé que j'avais besoin de chanter et que j’aimais bien.
J’ai appris à écrire par la suite. J’essaie de m'améliorer de plus en plus. Mais en tout cas, j'ai appris le plaisir d'écrire et de retranscrire tout ce que je ressens, tout est lié. J'ai commencé à écrire mes sons. Je n'ai jamais fait vraiment de cover en fait, j'ai du mal à chanter d'autres sons, j'ai besoin de chanter mes musiques.
Ta sœur t’a donc beaucoup influencée. Avais-tu d’autres influences ?
Artistiquement, j'écoutais pas mal de sons, déjà plus ricain ou même britannique. L’album de Lauryn Hill, je me le suis pris toute mon enfance en boucle. Les Fugees ensuite, quand j'ai commencé à être plus en mode rap. En fait, j'ai toujours eu 2 axes différents, le côté très chanté, moi les grosses voix, ça me transperce. Jazmine Sullivan, depuis le départ du départ de ses tout premiers sons, de ses tout premiers projets, je me les suis pris en pleine face. J’étais en mode : “Wow, je veux faire des sons comme ça”.
A côté il y avait ce côté plus français, vraiment rap. Tous les sons de Diam’s, je me les prenais alors que j'avais même pas l'âge de comprendre forcément ces textes : son mec qui la frappait, de tentatives de suicide etc. Là, j'ai vraiment eu l'amour de la musique française.
Je me suis rendu compte qu'en France on a du texte, beaucoup de mots. Le fait de comprendre, parce que l'anglais, quand j'étais jeune je ne comprenais pas. Les émotions que tu te prends, les mélodies…C'est quand même mieux quand tu comprends. Pendant longtemps mon objectif c’était d'arriver à faire des sons où je me prenais les mélos mais je ne comprenais rien. Parce que en anglais juste pour dire “Je t'aime”, tu peux faire tout une mélo dessus alors qu'en français, c'est “Je t'aime”.
Enfin pour moi, ce n’est pas le même délire. Je voulais faire ce que je kiffais en R&B mais en Français.
Il y a une artiste, c'est Pauline Croze ou même Tété c'est vraiment de la variété Française et des artistes qui m'ont beaucoup influencé. Ma mère quand j'étais jeune me disait : "Elle a une plume de malade", plus je grandis et j'écoute et plus je comprends sa plume et je vois qu'effectivement, elle écrit super bien et utilise super bien la langue française. Donc ouais, il y a vraiment le rap en France qui m'a formé, surtout Diam's. Tout le reste ensuite, il y a eu Sexion d'assaut, 1995… Je suis une 98 donc je me suis mangé tout ça. Et à côté de ça tous les trucs ricains genre Jazmin Sullivan, Destiny's Child…
Te rappelles-tu du moment où tu as ressenti le désir d'entrée dans l'univers musical et d'explorer ce domaine ?
Depuis toute petite, dès le début je savais que je voulais travailler dans l’industrie de la musique.
Après c’est vrai qu’il y a toujours des phases de doutes. Il y a encore 2 jours j’étais en train de douter. Ce qui est plus dur, c’est que dès le début, tu sais ce que tu veux faire, mais tu te dis mais en vrai, je pourrais faire n'importe quoi d'autres. Enfin, moi je sais que j'ai vraiment été élevée dans le truc de tu es en France, tu peux tout faire. D'avoir cette chance mais toi t'as choisi de galérer et de faire de la musique, des fois tu te dis : Pourquoi je m'inflige ça ? Je pourrais être beaucoup plus chill, je vais bientôt avoir 25 ans, je pourrais avoir ma vie carrée. Mais ça, je crois que ça vient surtout du fait d'avoir observé comment les autres font, parce que en vrai je pense que quand tu choisis la musique, en ce qui me concerne, j'ai du mal avec tout ce qu'est le confort, la stabilité. J'aime ça, c'est rassurant. Mais au bout d'un moment ça me rend folle, je ne peux pas rester plus longtemps que 3-4 mois dans le même taf, tu vois, quand c'est un taf alimentaire.
Aussi, quand je suis arrivée à 15 ans et que j'ai vu un peu plus la réalité des choses ou à 16 ans, je devais trouver mon appart etc. J'avais un peu laissé tomber la musique pour me mettre à fond dans les études et puis au bout d'un an, ça n’a pas marché. J'ai compris que ce n'était pas ma vocation. Avec des potes, des fois on aime bien pour rire dire qu'on est doué dans rien d'autre, donc c'est soit ça marche soit c’est la merde. T'es plus doué dans ce qui te passionne forcément et quand t'as appris à faire un truc qui te passionne, c'est dur de repartir dans autre chose. Depuis que j'ai compris ça, je mise tout là-dessus. Quand j'ai réalisé que de toute façon j'allais galérer et que je commence à taffer à 16 ans. J'étais à Lyon, je ne connaissais personne, je me suis dit bah nique sa mère, autant galérer jusqu'au bout et faire de la musique.
J'ai passé mon bac, histoire de quand même avoir le petit truc de sécurité. Ensuite, j'ai dû faire 2 mois en musicologie, mais ce n'est pas ce que je voulais faire. J'ai vu que c'était cool la fac mais je pense que si tu sais où tu veux aller derrière ça ne sert à rien. Moi, je voulais aller sur scène. Je me suis dit, c'est mieux de faire mon chemin toute seule.
C'est à partir de là où je me suis dit vraiment : je vais faire de la musique.
Après il y a eu la phase où en parlant avec d'autres artistes, tu rencontres des gens qui te disent ouais, je vais te manager. Moi je sais qu'à cette phase-là avec des potes pour rire on dit que j’étais un petit objet, je disais faites ce que vous voulez. Tu fais totalement confiance aux autres.
T'es jeune les autres sont jeunes aussi, on a envie de faire des choses, mais on ne comprend pas encore ce que ça veut dire. Même juste manager un artiste, on ne sait pas encore à ce stade-là vraiment tout ce que ça englobe. C'est à ce moment-là que je me suis dit, si je veux faire de la musique, j'ai compris que ça englobait tout le reste et que fallait que je gère tout. Alors qu’au début c'était juste bah je chante, j'écris et après, on s'occupe du reste. Un peu comme le contrat d'artiste dans les labels, tu vois. En gros, toi, tu chantes, tu poses et le reste tu ne t'en occupes pas.
On s'occupe de ça. Et pour toi, c'est ça être artiste. Quand tu grandis, tu réalises que ce n'est pas le cas. Encore moins maintenant parce que tu peux sortir ta musique tellement facilement.
Je ne suis pas sûre, mais je ne pense pas que les labels maintenant viennent vraiment à toi si tu n'as rien fait de ton côté déjà. Ils regardent ce que t'as fait, mais t'es obligé de toi, créer ton truc, ton univers, et c'est même conseillé. Imagine demain, tu te retrouves à signer dans un label et qu'ils fassent ce que tu veux et peut-être après 2 ans, tu réalises que c'est pas du tout toi et que ce n'est pas ce que tu voulais faire. Et c'est encore plus déprimant parce qu' ils ont bousillé le seul truc que t'aimais faire.
Je sais qu'il y a des artistes comme Lyna Mahyem que j'ai pu suivre dans leur histoire, se sont retrouvées à péter sur un son sans trop faire exprès et après ont signée pour au final ne plus entendre parler d'elles pendant 5 ans parce que ça ne leur plaisait pas. Elles n'ont rien fait ensuite, se sont fait jeter puis elles ont dû passer par le même chemin où l’on passe tous au final et galérer à créer leur truc. Donc je pense que c'est inévitable qu'il vaut mieux le faire.
Te souviens-tu du premier texte que tu as écrit ?
J’ai commencé à écrire quand je suis arrivée à Lyon parce que je ne connaissais personne.
Avant d'arriver, j'avais commencé à vite fait enregistrer et connaître deux-trois personnes qui faisaient du son. J'ai appris des bases, comment enregistrer dans un micro au studio mais pas à faire mes sons. J’avais un pote qui venait du Sud qui était venu aussi à Lyon et faisait de la musique, il avait un studio chez lui. Ça m'a mis direct dedans. C'était la seule personne que je connaissais. Je lui ai montré mes premiers textes, il m'a dit : “C'est éclater, mais continue”. J'ai commencé comme ça. Mes premiers sons étaient nuls de fou mais ça t’aide. C’est des textes que tu montres à personne d’autre de toute façon.
J’ai commencé à 15-16 ans, une période où j'ai vite habité seule et je me débrouillais seule. C'est une période où ça m'a fait du bien d’écrire. Ça a renforcé un truc.
Aujourd'hui, est-ce que tu travailles en équipe ? Toutes les personnes dont tu parlais au début, que tu as rencontré à Lyon, sont-elles toujours autour de toi ?
Je ne pourrais pas dire que je suis encore en équipe. C'est vraiment plus des rencontres, des amis, des gens comme ça, dès qu’ils le peuvent m’aident etc.
En vrai, je suis bien entourée mais je n'ai pas d'équipe, j'ai pas de manager, je me gère encore toute seule.
Ce qui des fois est chiant mais en vrai, quand tu as appris à avoir le contrôle sur tout, des fois c'est même dur de laisser d'autres gens gérer ce que tu as créé. Donc non pour l'instant je suis sans équipe mais bien entourée. Si j'ai besoin de quelque chose, je sais sur qui je peux compter.
Peux-tu nous expliquer ton processus de création ?
Mon processus, c'est que je suis totalement perdue et que je n'en ai pas de base. Je suis totalement au feeling, j'apprends à être organisée mais ça n'est pas encore ça.
Il y a cette phase de création qui n'est pas si longue, ce n'est pas ça qui met un an.
C'est la phase d'avant la création où ton cerveau rumine, tu le tournes dans tous les sens pour essayer de créer quelque chose. Il y a aussi cette idée que si tu te limites à la musique et que t'as pas vraiment vécu, tu vas te retrouver à court d'histoires à raconter, ce qui va être compliqué pour créer de nouvelles choses, vu que tu n'auras pas d'expériences à partager. Parfois, il faut faire une pause, essayer d'autres trucs, partir en vacances, vivre une galère ou prendre un autre taf tu vois et ça je l'ai compris avec le temps. Moi la toute première fois où je me suis mise au chômage pendant un an, je me suis dit "Allez je charbonne musique", je n'avais rien à foutre pendant un an, j'étais en mode chômage et rien à côté. Je me suis tellement fait chier que je n'ai rien écrit, je n'ai rien fait, j'ai refait du son quand je suis retournée taffer et que j'avais plus le temps en fait. Il y a cette période là où il faut que tu prennes du recul et que tu fasses des trucs.
Mais c'est frustrant parce que c'est ce qu'on appelle des fois la période de feuilles blanches alors qu'en vrai non tu es en processus, mais tu n'es pas en train de créer sur le moment, tu ne peux pas voir ce que tu fais. Après, la période où tu crées là c'est plus ou moins cool. Pas cool parce que des fois tu passes des nuits à faire un son et tu te réveilles le lendemain et tu réalises qu'il est nul.
Moi là pour ce projet, en rassemblant un peu tous les sons j'ai dû mettre 3-4 mois pour le faire. Tout le reste, c'est la réflexion de comment tu le sors ? Quels sons tu gardes ? Quels sons tu enlèves ? Est-ce que tu fais un clip ? Est-ce que tu en fais deux ? En vrai, c'est surtout sur ce projet que je vais sortir que j'ai appris ça parce que le premier s'est fait un peu par la chance du débutant, tu ne calcules rien, mais tout se passe bien.
Dis toi que le premier projet, j'étais à Skyrock le jour de la sortie. Chance du débutant. C'était pas du tout prévu. C'est juste un pote qui m'a appelé qui m'a dit : "Ouais, ce jour-là j'ai une nocturne, tu veux venir ?".
Pour le deuxième projet j'essaie de la provoquer cette chance. Après il y a la phase mix master du projet. Tu l'imagines d'une certaine façon, mais faut que tu enregistres proprement et que tu le mixes et que tu le masterises avec le gars qui le fait et qui reste dans l'énergie qu'il avait de base. C'est surtout ça la plus longue partie, c'est la finalisation de tout le reste et toute cette partie.
Où tu as déjà entendu ton produit 20 fois, où tu doutes, tu te dis que peut-être il n'est pas si fou et tout recommencer à zéro.
Surtout que tu sais, le syndrome des artistes, c'est que ce n'est jamais parfait et que tu peux toujours faire mieux. Ce qui est vrai, tu peux toujours faire mieux, mais vaut mieux sortir ce que t'as déjà sinon tu ne sors jamais rien. Des fois, il y a un moment où tu dis stop, c'est bon, je m'arrête là, je le sors et le prochain serait mieux, insh'Allah.
Mon premier projet je suis passée par des Type Beat pour les trois quarts. J'ai enregistré chez Diani, un studio qui est à la Duchère. J'ai enregistré tout mon premier projet là-bas, j'ai fait que des Type Beat sur Youtube, au final le studio a refait la prod.
Mon deuxième qui va bientôt sortir, l'objectif était de passer par de vraies personnes et ne pas aller fouiller sur Youtube. J’ai fait des appels à prod afin de savoir s'il y avait des gens chauds pour m'en envoyer. Après tu fouilles un peu partout donc là le 2e projet c'est vraiment des gens que je connais.
J'espère que le prochain, mon 3e projet, l'objectif, est de le composer en direct avec quelqu'un parce que ça fait quand même la différence.
Est-ce que tu arriverais à définir ton univers musical ?
Il y a grave ce combat entre les gens qui te disent mais il faut que tu te mettes dans une case et toi qui te dit, mais je n'ai pas envie de me fermer dans une case et surtout dans la musique. Parce que tu te fais chier au bout d'un moment. Peut-être que ça marche mieux, mais si tu te fais chier à faire tout le temps le même truc et à rester dans ta zone de confort ça n'est pas utile. En termes de communication et pour vendre sa musique, ça doit sûrement mieux marcher quand tu restes dans une case parce que les gens sont habitués et se disent OK, au moins tu ne perds pas ton public, mais je m'amuse plus à faire tout le temps autre chose.
Après, j'ai pris ce risque-là parce que j'ai compris que peu importe ce que je fais, comme je disais tout à l'heure, on dit que c'est du R&B. Déjà les gens ont ce réflexe de tu es une meuf, tu chantes, c'est du R&B. Tu vois genre même là avant de venir, je parlais avec des gens pour faire un clip, ils me disaient : “Bah lui il n'est pas trop chaud pour faire un clip R&B”. Mais t'as pas du tout écouté le son. Il n'y a aucun code du R&B. Donc je suis une meuf, je chante, je fais du R&B tu vois.
Après je le prends pas mal parce que je kiffe le R&B et je ne peux pas dire que je n'en fais pas. Je fais du R&B, avec plein d'autres influences.
Je respecte grave les artistes qui ont réussi à faire leurs univers. Par exemple Stromae, c'est du Stromae, tu vois. Tu ne te dis pas c'est du rap ou c'est de la techno ? Non, c'est du Stromae et il a trouvé sa recette. Et même dans le rap du SCH c’est SCH, du Josman, c'est du Josman tu vois.
Pour moi ils se sont pas fermés dans une case, ils ont créé leur case en prenant tout ce qui les a inspirés, qui fait que ce sont eux. C’est ce que j’essaie encore de créer. En prenant tout ce qui me fait, que ce soit mon parcours, ma vie, mes influences, tout pour faire un truc qui normalement , fera que ma musique est unique. C'est plus ça mon objectif, que de faire du R&B.
On m'a déjà dit quoi ? Ouais, si tu fais du Aya, ça marcherait très bien. Mais il y a déjà Aya, donc je ne vois pas l'intérêt. J'ai grave du respect pour toutes les artistes alors qu'avant peut-être quand j'étais plus jeune, j'étais plus fermée en mode non, mais ça c'est nul, ça c'est bien. Quand t'avances tu dis en vrai tout ce qu'elle a fait, tu respectes.
Même Wejdene, elle a fait sa carrière, fait ses sons, elle essaye, tu vois ? Elle est au studio, elle a galéré, elle est partie faire ses clips, elle a fait ses trucs peut-être plus facilement que d'autres ou pas, respect à elle. JUL respect à lui aussi. C'est un charbonneur, que t'aimes bien ou pas, moi je sais que j'ai besoin d'écouter plein de trucs différents, donc il y a moyen que dans ma liste en aléatoire il passe aussi.
Cette vision de mettre dans une case, c'est surtout des visions de grands labels ou de gens qui voient la musique en business. Ils te prennent et ils te disent "Ouais vas-y on va te créer ce personnage, on te met là-dedans, faut que tu fasses ça comme sons". Il y a des artistes comme ça et ça s'entend direct. Je sais que des Ronisia, elle a fait son taf mais moi personnellement, et j'ai déjà vu une vidéo d'elle où elle fait une prod toute seule avec un gars, je me dis mais elle pourrait partir grave plus loin. Mais ça marche et ils l'ont bien vendu puisqu'elle fait ses tournées. Elle fait son truc donc tant mieux pour elle. Mais musicalement, moi je pense qu'elle pourrait partir beaucoup plus loin mais comme elle a été dans un label direct…C'est ce que je disais tout à l'heure avec mon pote, maintenant tu n'es plus obligé de passer ton clip sur MTV pour que tu marches. Alors qu’à l'époque, fallait que tu passes à la télé. Maintenant avec Youtube, tu sors ton truc. Ce qui est bien et aussi galère parce qu'il y a beaucoup plus de concurrence.
Est-ce que tu as des sujets de prédilection qui font ce qu'est ta musique ?
Je suis quelqu’un qui réfléchit beaucoup. Et qui est dans l'analyse de plein de choses et dans l'analyse de moi-même, mon comportement, etc. Dans mes sons les trucs qui me tiennent à cœur, c'est déjà, de développer des bonnes valeurs…
Je trouve qu'il y a une hype de nos jours musicalement, de chanter négatif, je ne sais pas comment te dire. Si tu prends le rap maintenant et à l'époque. Avant, c'était, c'est la galère dans la rue mais ne vend pas de la drogue, c'est nul. Maintenant c'est, je vends mon 10 balle en bas et c'est trop stylé tu vois. Et pour tout en fait. Ce que je peux comprendre aussi mais moi ce n'est pas un truc qui me tient à cœur. Surtout que j’ai un petit frère, une petite sœur, qui en cachette suivent tout ce que je fais et c'est vrai que moi j'essaye de donner des bonnes énergies même si certains textes vont être un peu plus triste, je vais quand même essayer de transmettre ce que moi j'ai essayé de comprendre. Le partage, les bonnes valeurs, un peu le truc utopique, mais avec une musique, tu peux essayer de rendre le monde meilleur. Je ne fais pas grand-chose, je fais juste du son donc si je peux essayer avec des sons de changer certains trucs, pour les femmes notamment.
Il y a des sons dans mon nouveau projet, où ça me tient à cœur de parler du fait qu'on s'en fiche d'être parfaite. Ne pas être parfaite est tout aussi bien, c'est bien d'avoir des défauts. Maintenant il y a ce truc, avec les Kardashian et les réseaux. J'ai connu des meufs comme ça, qui travaillaient avec moi mais qui étaient vraiment bloquées sur ça. Ça se voyait qu'elles ne le vivaient pas bien. C'était juste cette course à la perfection. Je trouve ça hyper dommage et triste. Il y a tellement de personnes qui sont belles parce qu'elles ont des défauts. Moi je sais que j'ai une pote, elle a un œil qui voit beaucoup moins bien que l'autre, il est presque aveugle, elle est magnifique. J'ai fait un son comme ça qui s'appelle Jolies failles où vraiment l’idée est de se rappeler que les défauts sont beaux et d'avoir des jolies failles est ce qui rend une personne unique.
Est-ce que toi tu ressens cette pression, en tant que femme et artiste sur les réseaux ?
T'as ce truc, surtout à Lyon, enfin moi, je viens du Sud et je pense que ça doit être prouvé scientifiquement, je suis sûr, mais quand il y a la mer autour ou même la montagne on est beaucoup moins attaché à ce que tu vois. Jusqu'à mes 15 ans je vivais dans le Sud et maintenant si je redescends, je marche dans la rue, ça se voit que je suis une meuf de la ville. Ça se voit à des trucs cons parce qu'à Lyon et j'imagine surtout plus à Paris. Il y a ce truc très visible de la façon dont tu t'habilles, c’est ta carte de visite. Alors que dans le sud, tu vas faire tes courses, tu n'en as rien à foutre. Lyon y a vraiment ce truc de tu peux être jugée à juste comment tu es habillée. Par exemple, si tu fais un son de malade, mais quand on t'a regardé et que tu n'es pas de mon avis, ça ne marche pas. Au final, tu peux monter sur scène, être habillé en pyjama si tu fais un bon son les gens vont être en mode putain elle gère de fou mais c'est con, c'est ce truc des réseaux ou l’apparence prime. Si tu parles avec les autres, peut-être même eux, se sont mis la pression pour être hyper bien habillés, alors que réellement, on n'en a rien à foutre. A côté, il y a aussi les fans de mode. Je sais qu'il y a des soirées à Lyon où j'ai des potes, elles me disent mais je ne me sens pas trop bien là-bas. J'ai l'impression que l'on doit y aller pour se montrer et prouver qu’on est bien, alors que c'est encore une fois, des trucs cons parce que dans la soirée même, personne ne va penser forcément comme ça. C'est des trucs qu'on se dit intérieurement. Il y a quand même cette pression-là. En tant qu'artistes, des fois c'est chiant. T'as cette pression déjà de base de faire de la bonne musique. D'être jugé sur ta musique, mais en plus t'as cette pression-là de faire également un bon visuel, que tu sois aussi stylé. Et c'est con, je pense qu'on se la met toute seule.
Je pense que vraiment aussi on ne va pas se mentir, quand tu es une meuf et que tu fais du son, on te regarde. Quand tu es un mec et que tu fais du son on t'écoute. Je pense que ça, c'est une vérité. Encore une fois ce n'est pas une généralité. Mais ouais, quand tu es une meuf, on te regarde, faut que tu sois stylé. Après je dis ça, mais c'est un jeu que moi j’aime bien. Mais c'est vrai qu'au début quand tu dis je vais faire du son, tu n'es pas préparé à cette pression-là.
Tu es préparé à la pression de faire un bon son et avec le temps tu dis putain mais ça beaucoup de trucs, il faut aussi que je me maquille bien, faut que je me coiffe bien. Mais j'aime également le show et ce que la mode peut y apporter.
La dernière fois j'en parlais aussi avec un pote, j'avais fait une scène à Paris où on était au début.
A la fin il y avait un grand artiste, le mec est monté, c'était en mode fête de la musique, chill. Il est monté, il a fait 2 sons, il est parti, il a laissé son DJ passer le reste de ses sons. Mais les gens étaient hypé de fou, ils disaient : “Ouais, je l'ai vu passer”. On a de moins en moins cette culture de vraiment vouloir faire un show sur scène. Les gens ont payé pour venir te voir, pour venir voir un show. Sinon, ils restent chez eux, ils t'écoutent sur leurs enceintes, ils s’enjaillent dessus. Là ils sont venus te voir et c'est un show.
Moi comme j'ai suivi vraiment ce truc de R&B, même en ce moment je suis avec quelqu'un qui écoute grave du rock. Le rock, ils ont encore plus ce truc de tu viens nous voir sur scène, c'est un show. On brûle une guitare, c’est un show, t'es venu tu es sûr de t'en souvenir.
Après y a aussi la question des moyens, là aujourd'hui pour moi ça sera plus dur, de faire un show de malade, j'essaye, j'ai déjà ramené des danseurs avec moi.
Mais il y a aussi la question des moyens, c'est sûr, mais y a ce truc encore une fois, tu vois d'enlever ce côté hype montrer que je suis quelqu'un. Pour moi sur scène, t'es censée donnée au max pour les gens et ne pas être distante ou quoi que ce soit, tu es censée leur donner tout ce que tu as. Je suis dans cette dualité, l'art du show et faire ma musique sans soucis du détail visuel.
Tu te souviens de ta première scène ?
C'était à Paris, en décembre 2021, je suis partie avant en soirée, c'était un peu le genre d’endroit comme 2Rivers. Ils font passer des artistes un peu émergents, j'étais passée. J'avais bien parlé avec une meuf, puis je suis en mode, je viens, je check, je fais ma soirée quoi. Et le lendemain, elle me dit : “Mais en fait, tu as sorti un projet ? La prochaine fois tu viens sur scène ?". Moi je me dis mais elle n'est pas prête, je n'ai jamais fait de scène de ma vie, c’est la merde.
Ça m'a rassurée de faire ma première scène dans une ville où je n'habite pas, je me suis dit, je peux y aller, je me foire, je reviens dans ma ville comme si de rien n'était.
Après moi je suis facilitée par le fait que je chante, quand tu chantes les gens son bon public. Tu peux faire une petite vibe, ils ne peuvent pas capter que t'as oublié tes phrases. J'ai fait le truc au minimum parce que j'avais peur de fou. Tu sais quand t'es chez toi, et que tu t'imagines sur scène, t'envois tout. Quand tu arrives sur scène t'es bloquée. Surtout quand tu chantes, si tu stresses ta voix est bloquée, tu ne peux pas contrôler, c'est ta voix, elle se sert quand t'es stressée. Selon tes émotions, ta voix change donc quand t'es stressé, tu chantes beaucoup moins bien, parce que ta voix est coincée. Ça te stresse encore plus, c’est un cercle vicieux. La première scène était laborieuse quand même.
C'est un bon souvenir quand même. Les mecs de l'orga là-bas, me suivent encore, ils m'envoient des messages, quand je suis sur Paris. La dernière fois, j'ai fait une scène à Paris, ils m'ont dit “Ouais, trop bien, passe”. Ça va, je ne les ai pas traumatisés non plus, en mode s'est éclaté ce qu'elle fait, on veut plus jamais la voir. Je trouve ça important pour une première scène d'être bien accompagnée et que les gens soient bienveillants.
Tu as participé à la création de l'évènement BIG UP, pourquoi as-tu eu envie de créer un évènement 100% féminin ?
J’ai fait le premier événement BIG UP en septembre. C'est un événement qui met en avant des artistes féminines à Lyon, pour créer cette hype d'artistes talentueuses à Lyon.
Avant ça, j'étais dans tout 2Rivers, qui, eux, organisaient déjà des événements. Il y avait le truc de : “Mais je ne trouve pas d’artiste féminine, je n'arrive pas à en trouver”. J’étais là, mais les gars il y en a quoi, de partout, je ne comprends pas. Il y a ce délire à Lyon de quand on trouve une artiste féminine on la place partout comme s'il y avait qu’elle, et on en a trouvé une donc c’est bon.
Alors que non, il y en a plein en vrai. Je comprends que ça soit plus dur à trouver, on ne va pas se mentir, il y en a mais y en a forcément moins que des rappeurs, je pense que ça dans les calculs, tu le vois. Mais y en a, et il y en a même qui n'ont même pas encore pu faire de scène à Lyon et même partout. Mais si on ne te laisse pas la chance de faire ta première scène c'est sûr que tu ne peux pas montrer que tu gères. C'est impossible que les premières scènes qu'on fait soient lourdes. C'est ta première scène, il faut te laisser la chance après encore et encore.
J'ai déjà parlé avec des gens où je leur présentais une artiste qui gère de fou, il me disait ouais mais je l'ai vu sur scène, ce n'est pas fou. Ouais mais laisse une autre chance, genre moi tu m'aurais vu sur scène la première fois tu ne m'aurais pas laissé de chance non plus. Et du coup, je trouvais ça important, je l’ai fait au Loupika, et les soirées déjà de 2Rivers c'était au Loupika et moi ma vraie première scène à Lyon était aussi là-bas.
Et je sais que c'est un public hyper bienveillant, un lieu également. Moi j'espère être bienveillante aussi quand je fais l'événement, je trouvais ça cool de pouvoir proposer aux meufs une scène où tu n'as pas l'impression de devoir prouver un truc. Parce que tu sais souvent quand tu es placé dans d'autres scènes, tu es entre 2 rappeurs et sois tu rap, tu te dis putain faut que j'envoie autant qu'eux parce qu'ils vont se dire que je suis une meuf je vais les endormir.
Ou bien tu chantes en te disant "Mais qu'est-ce que je fous au milieu d'eux ?", je vais descendre le truc alors qu'en vrai non, je ne pense pas que le public soit obligé de sauter et de faire des pogos pour kiffer la scène, c'est deux délires différents. Je trouvais ça cool de pouvoir avoir une scène où tu viens, et tu n'as pas cette pression, on est entre meufs.
Je pense qu'en France on a encore un effort à faire dessus, tu vois.
Je ressens quand même une différence je trouve avec les mecs, par parce qu’on te le fait ressentir.
Il y a ce truc un peu de sororité ou forcément tu es dans une line up où il y a 4 rappeurs et toi tu es chanteuse. Avec Bouki, on a fait pas mal de petites scènes aussi, on était booké ensemble et il y avait d'autres mecs, et je me sentais un peu mieux parce qu’il y avait une autre meuf. Tu te dis que tu vas mieux passer quoi. Mais ce n'est pas forcément les autres parce qu'ils sont hyper bienveillants, c'est toi qui te mets une pression.
Que penses-tu justement entre cette différenciation qui est faite par beaucoup en nommant le rap fait par des femmes de “Rap féminin” et non pas tout simplement rap ?
Je sais que ça n'a pas forcément à voir, mais je sais qu’à l'époque du mouvement Black Lives Matter, j'avais regardé un reportage. Il y avait des gars qui avaient fait pareil, ils avaient créé des évents, mais en mode Black Power.
Ils disaient, on n'a pas envie non plus de se séparer, mais tellement je pense qu'on a besoin de nous aussi se rassembler. Je pense que c'est un peu pareil pour les évènements uniquement consacrés aux artistes meufs. Effectivement, tu devrais passer, pouvoir passer une meuf dans un événement sans te dire “Ouais, il faut mon cota de meufs dans la ligne up donc je vais mettre une meuf”, tu devrais la passer en te disant, elle gère, je la veux dans mon évent parce qu'elle fait de la bonne musique, c'est tout. On part quand même d'une culture qui à la base est très rap contenders. Les premières soirées où concerts où on te passe c’est juste après des open mic de mecs. Enfin tu vois, c'est tous ces trucs-là et en soi-même pour avoir parlé avec les orgas ce n'est pas voulu. Je pense que c’est dans la culture à la base où c'est vu comme ça, la meuf chante, le mec fait du rap. Les orgas font des appels en mode “Les meufs vous pouvez venir aussi”, mais y en a moins, il y en a toujours moins. Donc l'idée, ce n'est pas de faire que des scènes entre meufs pour que plus tard il n'y ait que des scènes entre meufs et des scènes entre gars. L'idée, c'est de faire des scènes entre meufs pour que justement après il puisse y avoir des scènes ou l’on puisse tous se mélanger. C'est de pouvoir avoir notre petite carte blanche où l’on peut montrer aussi qu'on gère nos événements.
Pour moi, faire justement des soirées avec des artistes féminines, c'est pour pouvoir faire cet effort là-dessus et ne pas appuyer cette séparation. Il y a des meufs qui sont putains de légitime de faire de la musique aussi. Elle gère de fou et c'est des artistes, donc maintenant tu les mets les dans ton événement la prochaine fois. Je pense qu’on a encore un effort à faire dessus.
On ne va pas se mentir les meufs quand elles font des sons, je te parle d’Aya par exemple, quand tu fais un son ou tu parles de mecs ou d'amour et que tu chantes, tu chantes les louanges de ton mec, tu perces beaucoup plus facilement et tu es beaucoup plus commercialisé que si tu fais du son ou tu parles de choses, genre ta vie.
Chilla par exemple est beaucoup moins commercialisée que Aya Nakamura. Je ne pense pas que c'est une question de talent ou de musique. C'est une question de, c’est une meuf elle parle de mec, ça parle à tout le monde même aux mecs qui de base écoutent que du rap énervé.
L’amour est un sujet universel, de toute façon tu vois. C’est vrai que maintenant au final, quand un mec sort un projet, il faut qu'il ait le son love dedans.
Tu vois même les labels comme on disait tout à l'heure, vont dire, là il manque le son love.
Mais je parle plus du public qui va écouter de la musique, enfin moi je sais que moins maintenant, mais je sais qu'il y a 10 ans, j'avais des potes qui me disaient : “Ouais elle est forte, mais moi j'ai du mal avec les meufs qui font du son”. Juste parce que c'est une meuf.
Mais tu donnes le même son qu'elle vient de te faire écouter à un mec, t’aurais peut-être kiffé tu vois.
Est-ce que tu constates une différence entre tes débuts quand tu avais 15 ans et aujourd’hui ?
Non. Après, en vrai dans la musique, il y a des trucs comme on dit depuis tout à l'heure, je trouve que quand tu es une meuf il y a aussi beaucoup de facilités tu vois et ça il faut le dire aussi.
On va peut-être plus te retenir sur le coup que si tu es un énième rappeur qui est venu dans le même studio. J'ai vu des studios, y a 40 000 rappeurs qui viennent dans la journée. Toi t'arrives et t’es une meuf, tu fais du son, on te retient un peu plus. Il y a quand même des avantages aussi, autant les prendre hein.
Depuis que je suis arrivé sur Lyon et que je fais de la musique, j'ai quand même vu une différence mais je ne pense pas que c'est propre au fait que je suis une meuf enfin ça ne l'est pas. Après c'est moi, c'est mon ressenti mais j'ai l'impression qu'avant le COVID la musique à Lyon c'était très chacun dans son coin, personne ne se mélangeait, depuis un certain moment. Après le COVID, il y a quand même un truc qui s'est créé entre les artistes à Lyon féminin/masculin tout confondu et même les orgas, il y a une sorte de communauté qui s'est créée, où on a compris que ça ne servait à rien de juste aller à Paris, à Marseille.
A Lyon aussi on peut faire des trucs de fous. Et je trouve qu'on commence à comprendre que c'est l’union qui fait la force. Et ça je trouve que de plus en plus de monde le comprends. Maintenant, c’est plus, je te réponds et ouais viens on fait un truc ensemble. Moi, je sais que c'est un truc qui fait que j'avais du mal au début avec Lyon. Il n’y avait pas ce truc de : “Tu viens de chez nous on partage”. C'était vas-y, on va partager au mec qui vient de Paris, le mec qui vient de là.
De plus en plus maintenant, il commence à y avoir cette fierté Lyonnaise. Par exemple un artiste alors qu'il ou elle n’ a pas forcément encore pété partout en France, on lui donne de la force et je trouve que c'est ce qui fait qu'il y a pas mal de petits artistes qui commencent à prendre aussi à Lyon, alors qu'il y en a d'autres qui ont sûrement dû plus galérer.
Je ne sais pas mais par exemple Jäde je pense qu’elle à plus galéré, elle a du direct partir à Paris faire sa musique. Elle a pété avant le COVID, ce n'était pas encore cette mentalité non plus.
Que penses-tu qu'il faut faire quoi pour que Lyon explose et arrive à se faire une place dans l'hexagone ?
Moi je pense qu'on est sur la bonne voie. Après, c'est peut-être aussi juste moi qui ai commencé à plus m'ouvrir, mais je trouve, au niveau des artistes, il y a des petits projets qui commencent à se préparer. Je pense que les events de 2Rivers ont aussi bien aidé, les autres orgas aussi. Le fait de faire des scènes. Il y avait une scène, l'année dernière, sur le toit de Part-Dieu, au Food Society ou on était je crois, 20 artistes, on est tous et toutes passé.e.s sur la scène, on a fait un son. Juste ça, ça te relie de fou et aussi avec le public, c'est que des gens de chez toi qui qui viennent et qui font un son.
Je pense que l’entraide, le fait de se rassembler, le fait qu’on soit tous ensemble ça aide beaucoup. Quand un artiste sort un truc, tous les autres partagent. C'est moins d'égo. Parce que je pense que l'égo, ça tue l’art, et encore plus dans la musique, je pense que c'est ce qui a fait que Lyon a stagné alors qu'il y a des énormes talents , c'est l'ego, c'est des trucs de : ”Mais non je ne vais pas le partager, il va trouver ça bizarre”, il faut s'enlever cette idée de la tête, c'est faux. Demain tu partages ça t'aime bien et c'est cool. J’ai des potes qui me disent qu’ils ont l'impression que Lyon musicalement c’est un peu Atlanta.
Marseille il y a la musique de Marseille, Paris il y a la musique de Paris, le truc vraiment Old School, puriste. Quand je dis que Lyon est un peu Atlanta, c'est qu'on est dans la création, créer notre propre univers. Là, si tu regardes les artistes féminines, Lizon, Bouki, Lazuli, OSO, je trouve que chacune a créé son truc ou cherche à créer son truc qui n'existe pas forcément. Il y a quand même cette recherche musicale et d'essayer de partir dans un univers un peu plus what the fuck.
Je trouve que l’identité Lyonnaise est de ne pas forcément en avoir une. Il y a peut-être ce truc digital un peu plug, et pour moi tout ça c'est vraiment l'identité de la création de l'innovation, c'est trouver d'autres trucs, un autre délire à chaque fois.
Et ça, doit sûrement être du fait que Lyon n'est pas forcément sur la carte musicalement encore et que
l' on doit prouver qu'on cherche toujours à créer un truc qui n'existe pas encore. Pour avoir parlé à d’autres artistes, il y a quand même cette recherche, de partir ailleurs, de faire autre chose. Après, pour l'instant, quand tu es dans Lyon, t’as cette idée-là, un peu d'identité Lyonnaise quand tu n'es pas dans Lyon pour toi l'identité Lyonnaise, c'est très L’allemand.
C'est très rap street de base. Je sais qu'à l'extérieur de Lyon, les gens ils disent musique Lyonnaise, ils se disent c'est la street, c’est L'allemand, Saso etc.
Alors que pour moi, ça fait partie de l'identité Lyonnaise, parce que c'est des Lyonnais déjà mais c'est grave pas ça l'identité Lyonnaise, pour moi. Il y a vraiment autre chose.
Après tu me diras Bruxelles, c'est quoi leur identité musicale? Tu regardes Angèle, DAMSO, Hamza, juste ces trois-là font des trucs totalement différents, tu vois ? Ils ont quand même une identité, je sais que là quand tu coupes des prods avec des beatmakers ils vont te dire, ouais ça c’est des prods de Bruxelles. T’entends quand même le truc. Je pense que ça se crée automatiquement et que petit à petit, ça se crée à Lyon. Il y a une identité, mais elle est encore en route, elle arrive.
Est-ce que tu peux me parler du morceau dont tu es la plus fière aujourd'hui ?
Ça fait plus d'un an que je suis sur mon nouveau projet, que je vais sûrement sortir dans 2 mois si tout se passe bien. Ce qui est déjà sorti ça date de presque 2 ans maintenant.
Ce n’est pas celui qui a le plus marché, c'est même celui qui a le moins marché mais je dirais que c’est Tu mérites tant.
C’est un son que j’ai fait avec Orel [instagram : oorun92] big up à lui, ce son a été créé dans une trop bonne ambiance.
C'est un son où j'ai réussi à transmettre ce que je voulais transmettre sur le moment et le plus clairement possible. C’est ça qui est dur aussi dans la musique parfois, c'est d'arriver à être la plus claire possible sur ce que tu veux dire. Surtout en France, on a beaucoup de mots pour dire un seul mot, donc des fois tu peux te perdre et pour toi, c'est clair mais c'est clair que pour toi.
Pour le coup ce son là est un des rare ou même moi, je me suis retrouvé à des fois être dans un mauvais mood à écouter le son. C’est un son qui me tient à cœur encore plus pour le message et pour ce que je te disais tout à l’heure qui me tenait à cœur. C’est vraiment un son que j’aime beaucoup.
Comment tu définirais le rap aujourd’hui ?
J'ai vu une vidéo de la dernière fois, du Règlement sur ça parce que je commençais à me sentir un peu mal et je me disais putain mais t'es pas à jour. Et c'est vrai que j'ai du mal à me mettre à jour parce que j'ai l'impression que dans la musique il y a un truc où on se fait un peu à voir comme dans tout le reste des autres domaines dans le monde, ça se suit, mais c'est le truc de la surconsommation. On va prendre un exemple simple du truc, il y a une année où je travaillais à Auchan, pendant 3 mois. J'ai réalisé le taux de bouffe que l'on jette et que l'on reçoit le matin en quantité astronomique juste pour remplir les rayons alors que personne ne va acheter. Et juste après j'ai travaillé à Bershka et pareil je me suis rendu compte de la surconsommation dans les grandes enseignes de fast fashion.
C'est une dinguerie, on est vraiment perdu dedans , alors qu'on n'a pas besoin d'autant. On est dans ce truc-là déjà de base dans notre fonctionnement dans le monde et dans la musique je le ressens
également. Moi je sais que ça fait un moment que j'ai du mal à suivre le truc parce que je n'ai pas le temps d'écouter tous les vendredis tous les albums que tout le monde sort.
Et ça me fait chier parce que c'est sûrement ce qu'on va dire quand moi je vais sortir mon projet au final.
Moi je suis plus dans le mood, mettre 4 ans à sortir un projet. Luidji, là ça doit faire peut-être 3 ans qu'il fait des tournées sur le même projet. Mais parce que ce projet-là, il a bossé pendant peut-être 4 ans aussi. Et c'est ça, c'est l'art, c'est censé être ça, tu vois, ce n'est pas censé être la surconsommation pour moi. Mais forcément je comprends tout à fait les artistes qui surenchérissent parce que si tu ne surenchéris pas, t'as disparu. Alpha Wann, il a sorti un seul album mais il refait une tournée demain s'il veut, tout le monde retourne le voir, moi la première.
J'ai du mal à tout écouter, donc je ne pourrais pas tout te dire, actuellement comment je vois le rap je ne sais pas. De mon point de vue le rap va très bien, parce que c'est la première musique écoutée maintenant et parce qu'il y a 40 000 branches qui se sont créées sur ce même style.
Je trouve ça cool qu'il y ait de plus en plus d'alternatives au rap et que chacun essaie de faire encore son truc et créer d'autres choses.
Je trouve ça un peu moins cool que ce truc de surconsommation, c'est peut-être ça qui tue un peu la qualité durable des fois, alors que si tu regardes bien dans l'ensemble, il n'y a que du bon rap mais à cause de ça. Moi c'est vrai que j'ai du mal à sortir un seul son à chaque fois parce que je ne vais pas avoir l'impression d'évoluer. C'est plus risqué de sortir un projet tous les ans quoi, et encore un projet tous les ans c'est énorme.
Quelles ont été tes influences pour le nouvel EP qui va voir le jour ?
Je n'ai pas changé d'influences, ça reste Jazmine Sullivan qui est toujours là. C'est resté. Tous les artistes de son label aussi sûr dans la façon de produire les projets, j'ai trouvé ça fou. Il est magnifiquement bien produit. Sur ce projet-là pour le coup, j'ai essayé de plus écoutez ce qui se faisait ailleurs. Parce qu'à un moment, tu écoutes trop ce qui se fait ailleurs mais je pense que j'avais emmagasiné assez d'influence pour pouvoir faire ce que je fais sans me dire ce n'est pas assez bien, où ça ne ressemble pas assez à ce que j'aime bien écouter.
J'essaye le moins possible d'avoir les influences actuelles et de rester dans ma petite bulle toute seule.
Il y a un moment où dans le processus de vouloir créer ton truc, faut que t'arrêtes de comparer à ce que t'aimes bien écouter aussi. La mère d'une pote qui elle fait de la peinture, m'a dit mais arrête de te prendre la tête, en te comparant à des sons que toi t'écoutes et que tu kiffes. C'est là ou est le piège, tu vas te dire "Putain mais mes sons ils sont pas comme ça" mais ils sont pas comme ça parce que c'est toi qui écoutes et que tu ne te vois pas comme les autres te voient tu ne t'entends pas non plus comme les autres t'entendent.
Si tu devais choisir un ou une artiste avec qui collaborer qui choisirais-tu ?
Elle est trop dure cette question. Laisse-moi réfléchir.
Instinctivement je te dirais, Jazmine Sullivan où Kendrick Lamar. Ouais, ce serait dingue.
Est-ce que tu as une artiste Lyonnaise à nous faire découvrir ?
Je dirais Sana, elle a vraiment un truc pour l'avoir vue sur scène plusieurs fois. Souvent quand tu es plus choqué du live de ce que tu as déjà écouté c'est qu'il y grave du potentiel.
J'ai envie de dire Human boy aussi, c'est grave une artiste qui est dans la recherche, je trouve et qui se démerde pour faire son petit son de son côté et qui sort ses trucs et qui les sort bien en plus donc je trouve qu'elle le mérite.
Et dernière, Zalfa Fraise. C'est vraiment pour mon côté R&B. Elle fait du bien, c'est vraiment des sons R&B comme on les aime.
Selon Kïerra, la scène artistique lyonnaise offre une chance unique. D'artiste en artiste, elle présente une variété musicale riche et une concentration de talent. C'est un privilège que nous devons chérir. Elle nous partage humblement son envie de contribuer à cette scène par son art et à rendre le monde meilleur en particulier en faveur des femmes. C'est un rappel inspirant de la puissance de la musique pour apporter des changements significatifs. Aujourd'hui, Kïerra se lance dans un nouveau projet, nous faisant découvrir un avant-goût de son prochain EP "Empreinte" disponible le 16 septembre prochain avec son single intitulé "Fool love".