30 juin 2020 | écrit par l'équipe de la rédaction
À l’heure du digital, les freestyles de rap prolifèrent majoritairement sur la toile et les réseaux sociaux plutôt qu’en open mics. En terme de légitimité, l’une se mesure au nombre de likes et de partages et l’autre par la scène. Cependant, la nouvelle vibe Soundcloud laisse parfois dubitative les amoureux du live. C’est sur ces deux codes, très propres à notre génération, que s’ancre depuis quelques années « Chineurs de Rap ». Nous avons rencontré trois membres de leur équipe. Thomas, le président de ce label associatif puis Martin et Pierre, deux représentants lyonnais.
Collectif créé en 2015, Chineurs de rap aka « CDR » est l’une des organisations rap les plus actives de Lyon en matière d'événements « open mic ». D'abord liés à La Chinerie, le collectif est indépendant depuis deux ans et se définit comme un label associatif.
« Nous sommes une bonne trentaine à travailler sur le projet et notre objectif principal, c'est la promotion d'artistes rap méconnus du grand public. L'aventure a commencé avec un groupe Facebook de digging, c'est-à-dire de la découverte et du partage de son. Aujourd’hui, nous sommes plus de 35 000 membres dans ce groupe. Il y a une dizaine de posts par jour qui sont partagés. L'affaire s'est vite concrétisée via l'organisation de concerts et d'open mics partout en France. Notre dernière facette, celle qui fait de nous un label, c'est la sortie de mixtapes et de singles. Notamment, la dernière, dont on est extrêmement fiers : ‘la Codex Tape’. Pour résumer, notre objectif est et restera toujours le même, que ce soit à travers la sortie de tape, des événements ou le groupe, c'est la promotion du rap underground », nous explique Thomas, président de Chineurs de Rap.
Du côté lyonnais, plusieurs open mics sont régulièrement organisés. Ils se présentent sous forme d’une scène ouverte où n’importe qui peut venir sur scène pour s’exprimer à travers un texte de rap. La plupart des événements font carton plein et accueillent toutes formes de populations, allant de la banlieue à la presqu’île. La mixité sociale est souvent au rendez-vous avec un public enflammé et solidaire.
« Il y a énormément de jeunes qui s'investissent. Nous avons toujours des MCs qui sont chauds pour vernir participer à nos open mics. Souvent, des personnes en dehors de l'organisation viennent proposer leur aide spontanément. Ça me donne l'impression d'une jeunesse investie et volontaire et ça fait plaisir à voir », raconte Pierre, modérateur des réseaux CDR.
« Par exemple, l'année dernière à la Péniche Loupika, au mois de mai, on n'était pas confiant sur les dates. On pensait qu'il n'y allait pas avoir de monde donc dans le doute, on avait prévu un DJ set, au cas où les gens seraient un peu trop timides. Finalement, c'était complet, l'open mic a duré super longtemps. À la fermeture et comme c'était l'été, les gens se sont mis en cercle devant la péniche et ça a continué à kicker. C'était incroyable comme ambiance », se remémore Martin, chargé de production des CDR Lyon.
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crédits photos de l'article : BonsoirMathilda
L’ambiance : c’est grâce à cela que les événements des opens mics des CDR fonctionnent.
Il existe une sorte de synergie indescriptible et réelle existante nulle part ailleurs. C’est ce côté humain qu’on ne retrouve pas sur les réseaux. La scène fait partie du processus de construction de l’artiste. L’open mic, c’est l’intelligence de l’instant.
À Lyon, la place actuelle de la scène rap est souvent mitigée : « on attend que ça pop » comme diraient les rappeurs. Il existe beaucoup de jeunes artistes qui créent leur univers et sont friands d’open mics où ils peuvent venir montrer leur art et s’exprimer librement, peu importe leur notoriété.
Par ailleurs, nombreux sont les adeptes du rap qui déplorent le manque d’open mics hip-hop au sein de la ville. Lors du dernier événement des Chineurs de Rap, nous avons interrogé un des spectateurs dans le public.
« Il existe des opens mics rap à Lyon, mais il n'y en a pas assez ou alors ils ont très peu de visibilité. Pourtant, le public est toujours présent. Il y a tellement de jeunes prêts à pendre le micro dans des bars ou des clubs. Il faudrait vraiment développer l’idée, ça manque à la ville. J’ai l’impression que ça existe dans des cercles en petit comité mais qu’il y a quasiment jamais de grande structure cultuelle qui s’empare de l’idée. Au final le rap à Lyon, j’ai l’impression que ça se passe beaucoup plus sur les réseaux. » nous explique Théo, amoureux du rap lyonnais.
« Je pense que la scène rap lyonnaise est hyper-productive et novatrice », ajoute Martin. « J'entends des vibes à Lyon que je ne retrouve pas ailleurs. On dirait que ça ne cherche pas à percer à tout prix, mais que si un jour ça marche, ce sera avec leurs propres sons qu'ils auront façonnés de A à Z. C'est grâce à ça que notre rap lyonnais influence et qu'il participe au rap actuel. Je pense vraiment à cette vibe Soundcloud qui a explosé et qui a été alimentée par des MCs de Lyon. Aujourd'hui ils sortent de plus en plus de l'ombre et c'est très cool de pouvoir faire jouer cette scène. », explique Martin.
Au-delà de cette performance d'improvisation, les opens mics servent à connecter des réseaux ou à repérer de nouveaux talents. « Lors du premier événement qu'on a organisé avec CDR, c'est Yugène et AJT de 3PP et Yanis de No choke qui nous ont tapé dans l'œil. Par la suite, on les a invités pour un live », se remémore Pierre.
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![RNI-Films-IMG-4A12BA71-2DCA-4A79-8C62-D3](https://static.wixstatic.com/media/7f3d5f_e493e7118060466b9c04eb1e2d2489be~mv2.jpg/v1/fill/w_388,h_517,al_c,q_80,usm_0.66_1.00_0.01,enc_auto/RNI-Films-IMG-4A12BA71-2DCA-4A79-8C62-D3.jpg)
« Dans l’équipe, on a tous nos styles de prédilection. D’un point de vu général, on essaie de s’intéresser à toutes les nouvelles vagues. Dès qu’on va trouver qu'un artiste apporte un truc nouveau, on aura envie de lui donner de la force et pourquoi pas travailler avec lui. On partage d'excellentes relations avec des collectifs et des rappeurs qu’on a rencontré à travers des lives et des open mics. Au-delà d’échanger sur le groupe Facebook, on travaille ensemble sur des projets. Ça permet d’avoir pas mal de talents qui gravitent autour de nous, qui grandissent avec lui et qui le font grandir aussi. Ça créé des relations vraiment fortes », raconte Thomas.
En ce sens, les chineurs ont sorti en juin leur troisième projet : la Codex Tape.
« Elle est sortie le 26 juin, c’est notre troisième projet. Les deux premiers étaient un concentré de digging. On y accueille pas mal d’artistes avec qui on collabore depuis un certain temps et avec des nouvelles têtes aussi : Yusef, Idéal Jim, Madjon, IZEN, Beeby, Boaz, Jonny Vegas, Bnvsky, Accalmie, BBK, Ando et Simon Oudja. Notre but c’est de mettre en avant des artistes et univers qui incarnent le mieux la nouvelle vague du rap de 2020. On a des styles et ambiances très variées : en six tracks, il y en a vraiment pour tous les goûts. On espère faire honneur à la variété et à la richesse des nouvelles scènes du rap français. »
À la tape s’ajoute un concours de freestyle dont les membres de notre équipe Yoshkä on fait partie du jury aux côtés de Cleim Haring et KESKIA. Nous félicitons : Jaasper, Benniblis et Mogin, les gagnants du concours.
Au sein de la rédaction, il nous semble plus qu’important de faire partie de l’impulsion de la scène rap à Lyon. En ce sens, nous avons également posé la question de la scène rap féminine aux chineurs. Force est de constater que les open mics organisés sont majoritairement masculins.
« Il faut faire jouer les rappeuses autant que les rappeurs et montrer au public que oui, les filles aussi kickent et le font bien. Ce n’est pas une question de faire un line-up féminin pour public féminin. Il faut pouvoir inviter des rappeurs et des rappeuses sans distinction, juste parce qu’on aime leur musique. Après, il faut composer aussi avec le fait qu’il y a moins de rappeuses que de rappeurs, mais chez nous ce n'est pas un critère de sélection », précise Martin. « Il s’agit de les mettre en avant en prospectant des rappeuses dans nos événements. Pas parce que c’est des filles, mais parce que c’est des artistes douées à part entière, il faut les mettre en avant parce qu’on croit en leur musique. Au niveau des open mics, il faut s’assurer que l’accueil est bien reçu par l’ensemble des membres, pour les filles. Pour l’instant je suis assez confiant car même si elles sont timides, à chaque fois, les filles assuraient et ce n'est pas le cas de tous les mecs : elles ont vraiment un super talent. Je les encourage à oser monter sur scène et qu’elle soit accueillie dans le respect qu’elles méritent », conclut Pierre.
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